Au parc
Il vadrouille à quatre pattes autour des jeux, manque de se faire marcher sur les mains des dixaines de fois, explore, teste, observe, rêve aussi parfois assis dans le petit train. Il chantonne, caresse les mains de ses copains d'âge qui s'approchent, se prend une baffe ou un bisou baveux. Il discute au milieu du tunnel avec une petite fille, éclate de rire, bloque le passage, tombe, se relève, se frotte les mains devenues noires de poussière, ramasse un cailloux et me le tend. Il faut que je le prenne, je ne peux faire autrement, mes poches s'emplissent de cailloux, de brindilles et de feuilles que je dépose à la fin du jeu loin de son regard. Je dose mes interventions, le laisse faire presque jusqu'au bout, hésitant à m'approcher lorsqu'il est sur le point de tomber. Il tombe rarement, préférant se raviser au dernier moment avec un air de se dire "ceci n'est pas pour moi, je ne peux pas, ça fonctionnera plus tard". Je ne viens qu'à ses cris explicites lorsqu'il est vraiment coincé ou bien en urgence lorsque sa curiosité le mène jusqu'aux rayons du vélo d'un grand.
Il pourrait jouer des heures, nous ne restons souvent qu'une heure... Lorsqu'il est temps de partir il est prévenu depuis quelques minutes déjà, mais rien n'y fait... Je le prends dans mes bras, il voit les jeux s'éloigner, il crie, se cabre, pleure à gros sanglots... Les gens se retournent, c'est un kidnapping ! Il pleure jusqu'à la maison, jusqu'au lavabo où on se lave les mains. Là, le chagrin est oublié, l'eau coule, le savon mousse, le jeu recommence. Le robinet fermé, les cris reprennent.
Au creux de mes bras, dans la chaleur de la chambre, une tétée calme sa faim et apaise son esprit. Il fait le point, il va dormir, ou pas.