Le bien-être durable
Je viens de discuter assez "vivement" avec une dame d'environ 45 ans qui est aussi mon employeur très épisodique (je garde son grand marmot de 10 ans tous les quinze du mois) depuis bientôt 5 ans.
Elle voulait absolument savoir quand est-ce que le doux bébé allait aller à la crèche et pourquoi j'avais cette réticence à l'idée de le mettre à l'école maternelle.
C'était déjà assez limite comme questionnement de la part d'une employeuse mais bon, gentille comme je suis j'ai bien voulu éclairer ses nombreuses lanternes éteintes.
Me voilà donc à contrer son argument bateau de la fameuse SOCIALISATION salvatrice, clef du développement harmonieux de l'enfant, fondement extraordinaire et mirifique des bonnes relations sociales. Je lui ai donc parlé des bienfaits d'une socialisation intergénérationnelle où les grands apprennent aux petits, où les jeunes aident les anciens, où l'on apprend à cotoyer son prochain avec mesure et respect, autrement que jeté de force au milieu d'une trentaine de congénères du même âge à quelques mois près le tout supervisé par un ou deux adultes savants et surmenés. J'ai eu l'impression de pomper dans le vide comme un Shadok pendant toute la conversation téléphonique.
Pour elle donc, je veux garder mon enfant avec moi pour mon plaisir et non pour son bien-être, cela aura des conséquences terribles sur le développement général du doux bébé, elle ne voit pas ce que je peux apporter à mon enfant (pour une femme qui ne sait ni cuisiner, ni jardiner, ni peindre, ni dessiner, ni sculpter, ni écrire, ni coudre, ni couper les cheveux de son fils, ni poncer/ tapisser/rénover,qui n'a presque aucune culture, ni aucun goût littéraire et artistique, et j'en passe... Elle y va fort je trouve !!! ). Mais ce qui me blesse le plus, c'est sa vision caricaturale de la femme au foyer : elle m'a rétorqué que ma mère avait dû me donner un bien mauvais exemple en restant à la maison puisque j'allais faire comme elle !!! Et quand je lui ai annoncé que j'allais peut-être faire une formation pour devenir assistante maternelle, elle n'a pas réussi à réprimer une exclamation de dégoût en enchaînant sur un ton moralisateur "mais avec toutes les études que vous avez faites enfin, rester chez vous, vous n'y pensez pas !!!". Elle a peut-être peur que je devienne comme ça :
Supermarket Lady, Duane Hanson, 1969
Selon elle, donc, les enfants qui ont reçu une formation à domicile ont de grandes difficultés à réintégrer le cursus scolaire classique, sont associaux au possible et je vais donc tout droit dans le mur avec mon fils. Je lui ai alors affirmé que de toutes façons j'étais encore en train de réfléchir et qu'étant à l'écoute des besoins de mon enfant j'aviserai en temps et en heure, sans précipitations et que si le doux bébé ressent le besoin de cotoyer des enfants, s'il s'ennuie à la maison, si l'école l'attire lors de nos promenades quotidiennes alors oui peut-être il irait y faire un tour, histoire de voir, pour longtemps ou non, selon ses besoins du moment. Je lui ai dit que je n'étais fermée à rien, elle m'a alors rétorqué que les gens qui se déclaraient ouverts étaient en fait les plus fermés. Je suis un Shadok les mecs, yeah !
Je vous passe les arguments presque risibles style : "J'ai quand même plus d'expérience que vous, je travaille à l'Education Nationale, la majorité des gens pensent comme moi vous savez !" et les jugements comme : "Vous êtes vraiment en marge de la société, vous êtes hors-normes etc...". Son attitude m'a vraiment fait penser à la pédiatre de garde de la maternité (la quarantaine aussi) lorsque mon doux bébé avait deux jours et qui me disait que je n'aurais certainement pas de montée de lait... Je lui répétais que si, si, si, je vous assure Madame, demain j'aurais ma montée de lait, il faut trois nuits, j'ai confiance, mon bébé tète bien... Elle était sortie de la chambre en disant que j'avais l'attitude d'une mère de famille nombreuse (j'ai pris ça pour un compliment !) et que décidément j'étais vraiment hors-normes. Pompez les mecs, pompez, on ne sait jamais !
Décidément, la passion, l'engagement, la motivation, les idéaux, la famille, le respect et le développement personnel ne sont pas des valeurs porteuses chez les quarantenaires carriéristes libérées par les couches jetables et les biberons en plastoc.
Pauvres femmes quand même... Obligées de renoncer à leurs élans les plus primaires d'amour inconditionnel pour leurs nourissons, obligées de bosser dans des bureaux tout gris, obligées de se battre dans un environnement masculin mysogine pour imposer la féminité dans les sphères les plus hautes de notre société franchouillarde. Pour finir je ne leur en veux pas d'être tellement désagréables envers moi et mes choix de vie, elles se sont battues à une époque où il le fallait, elles font partie d'un morceau de l'histoire, elles y ont laissé un morceau de leur vie maternelle, elles doivent se sentir jugées par ma façon de faire. A nous donc de nous battre pour paufiner leur travail de pionnières et peut-être qu'un jour les femmes auront le choix de choisir leur lieu de travail, l'extérieur ou la maison, tout en trouvant un équilibre familial.
Extrait du tableau Les trois âges de la Vie de Gustav Klimt
Tout ça pour dire que plus j'avance sur mon chemin et plus je me sens en harmonie avec mon entourage. Les plaisirs rapides, fugaces et frustrants de la consommation excessive font maintenant place aux plaisirs durables du maternage, des moments partagés en famille, du jardinage (oui, oui, dans ma cour il y a de beaux géraniums qui refleurissent depuis trois ans et bientôt ils pourront batifoler dans un jardin), de l'alimentation saine, de la marche, du vélo, de la couture, du sommeil respecté et j'en passe et j'en passe...
J'ai l'impression de participer à un cycle cohérent et de respecter de plus en plus le monde qui m'entoure, et non je ne fume pas de cigarette qui fait rire, les Shadoks ça ne fume pas.
Allez ! Un petit poème indien pour rester zen :
Qu'est-ce que la vie ?
C'est l'éclat d'une luciole dans la nuit
C'est le souffle d'un bison en hiver
C'est la petite ombre qui court dans l'herbe
Et se perd au coucher du soleil.
Crowfoot, chef blackfeet (1821-1890)